« Smog » Black Butterfly

Travaux réalisés à la suite d’une résidence au Kirghizistan en 2023. Invitation de l’Institut Goethe et de l’Alliance française de Bichkek

Lorsque le froid arrive ici, les femmes et les hommes qui vivent dans des maisons mal isolées n’arrivent pas à se chauffer. Ils glanent alors des déchets. Au Kirghizistan, on trouve beaucoup de tissus industriels de la fast fashion mondiale. Comme beaucoup des déchets humains, ces chutes sont toxiques. Le feu qu’ils créent forme un nuage de pollution qui stagne toute la saison froide, le SMOG. En marchant dans la rue, on ne voit rien à deux trois mètres, mais surtout les habitants se réchauffent pour s’intoxiquer… Les enfants développent des problèmes pulmonaires irrémédiables.

She burns her mother, her house and her landscape (zoom) Drawing, textile and filt, 120x22 cm

Une foule de papillons de nuit vivait au milieu de la forêt, ils ne connaissaient pas la lumière. Un jour, un nouveau papillon arrive, il ne fait rien comme les autres et intrigue un curieux. Il raconte qu’il vient d’un pays où brille la lumière. Le curieux demande ce que c’est ? Il lui raconte qu’il existe des endroits où l’on voit toutes sortes de choses… Le curieux veut découvrir le soleil et le feu qu’ont créé les hommes… La civilisation des papillons l’envoie les décowrir. Il trouvera la flamme trop chaude et reviendra en disant qu’il n’a pas découvert le mystère du feu. Un deuxième s’approchera davantage et brulera une de ses aile, ils dira qu’il n’a pas découvert le mystère du feu mais qu’il ne peut plus voler. Un troisième s’approchera si près qu’il s’y consumera. La civilisation des papillons conclura que lui seul connaît le mystère de la flamme et de la lumière. (Conte persan)

Le SMOG m’a amenée à créer un patchwork. La majorité des tissus vient d’un feutre thermique écologique inventé à Bichkek par JSC, les autres viennent des poubelles de l’usine AIGUL de Nurilya Barakanova, de feutre naturel kirghize de Tumar, de chutes plus précieuses récupérées par une artiste kirghize … et de mes anciens vêtements. Les morceaux ont été repris en s’inspirant des arrondis d’un nuage environnemental, couverture de survie, territoire à réinventer.

À l’époque nomade, les papillons mangeaient le feutre des yourtes… Les murs troués laissaient passer le froid. Aujourd’hui, un homme a inventé une façon de recycler les chutes de tissus pour fabriquer un feutre thermique qui pourrait isoler les maisons. Comme les tissus utilisés sont d’origine industrielle, aucun papillon ne les mangera.
Une maison à Bichkek fait apparaître une yourte dans un paysage métaphorique. Y sont évoqués le symbole du drapeau kirghize (soleil sur la fenêtre du toit), ce feu actuel qui crée un nuage toxique, cette couverture thermique nécessaire pour vivre dans le froid. Le travail du kurak et de toutes les décorations réalisées dans les yourtes m’ont inspirée.

Le nuage d’Une maison à Bichkek esquisse des ailes de papillons de nuit. Dans le smog, on rêvait de la métamorphose d’un papillon s’envolant d’une nouvelle chrysalide. L’envol trouverait de l’oxygène dans nos respirations obstruées. Les poumons deviendraient ce papillon qui nettoie nos coeurs. La symbolique du papillon noir m’est apparue à ce moment : considéré comme porteur de malheur, voire de mort, il symbolise la fin d’une chose et le début d’une autre, possiblement meilleure. Synonyme de longévité, d’espoir et de changement, le papillon noir rime avec la capacité de voir. En prédisant l’avenir, il évite le danger. L’obscurité précède la lumière.

Dans ce rêve, la yourte du passé traditionnel kirghize migre de notre monde vers un avenir en harmonie avec l’environnement. Prière dans l’espace, une bougie est allumée dans l’habitacle central. Une maison à Bichkek est la première d’une série d’installations spatiales contemporaines que nous envisageons de déployer comme des poupées russes et papillons noirs de plus en plus grands avec des amis kirghizes.

Une maison à Bichkek II, 2023 Mediums mixtes, fabrics, drawings on paper, metal, candle 45x200x200cm